Michel Dupuy, président du festival des Passeurs de lumière, pour qui j’avais réalisé en 2012 l’affiche de la cinquième édition, m’avait demandé au cours de l’été de lui trouver un décorateur théâtre pour le festival 2014. Le thème en serait les monstres.
Tout de suite je pensais à Tristan, étudiant en Art scénique à Monaco. Il avait déjà travaillé pour les ballets du Rocher. Dommage pour nous, il n’était pas disponible aux dates choisies. De son côté Michel cherchait. Mais septembre se terminait, aucun décorateur à l’horizon. Octobre serait peut-être plus heureux. Mais non…
Il y a donc un mois, faute de candidat, je lui offrais mes services. Je demandais à Olivier, au cours de la soirée bœuf irlandais chez Claude (un petit estaminet près de la maison), s’il voulait me prêter ses mains dans un exercice de sculpture monumentale. Comme c’est un vrai ami, il me répondit oui.
Quinze jours s’écoulèrent, je proposais à Michel un gros monstre inspiré du monde de Lovecraft. Une caryatide soutenant un lourd portique. Michel approuva. Rendez-vous était pris pour réaliser l’œuvre. Comme dans tout projet, il y eut un contretemps malheureux. Nous voulions profiter d’un jour férié pour entamer la bête. Les matériaux ne furent pas livrés. La statue allait attendre.
Il ne nous restait qu’un demi-samedi et un dimanche ; nos vies sont bien trop pleines pour disposer de plus ; pour commencer, réaliser et achever notre œuvre monumentale.
Olivier et moi étions décidés à tout finir dans ce laps de temps. Rendez-vous était pris pour le samedi 15, 14 heures, aux services techniques de Bannalec.
Samedi
14 heures
Michel est là, Marcel un bénévole du festival est là lui aussi, Daniel le technicien des services techniques aussi. Mais derrière le trio se cache la presse. Et voila une demi-heure envolée. Les derniers points sont réglés. On sort la maquette haute de 15 cm, elle est à l’échelle, tout comme les profils sur calque que l’on va fixer sur chaque face de la masse qui se dresse devant nous. Tout est OK.
Nous livrerons demain. C’est promis.
15 heures
La scie est en marche. À la manœuvre Olivier. J’esquisse la silhouette sur le bloc encore vierge. Un bloc de 3M de haut sur 1×1,20m de coter. Un premier « vrum » résonne dans le hangar, puis un deuxième. Ça y est… C’est parti !
Les premiers morceaux tombent au sol. Il faut d’abord dégager le bras droit du monstre. Il nous servira de repère pour la tête et le ventre.
On dégage la cuisse droite. Le ventre s’arrondit. La cuisse gauche sort du bloc.
Le matériau brut se transforme. La bête naît de la matière.
Sans souffler, nous œuvrons. Les scies tournent autour de la pièce entaillée de partout. La chose prend forme.
22 heures
Le silence s’installe dans notre atelier du moment. Le plus dur est fait. La statue est là devant nous. On se congratule. Ouais. Nous sommes fiers. Le résultat est à la hauteur de nos attentes.
On sera dans les temps.
Demain, on entamera les autres blocs. Restera tout de même, les finitions sur la statue. Les mains ne sont pas faites, les pieds à peine ébauchés, la grande queue n’est pas finie.
Dimanche
Je passe prendre, comme convenu, Olivier à 8 h 30, donc à 8 h 40 (mes minutes sont toujours plus longues que les vraies minutes, alors ça crée du décalage horaire). Anna me propose un café, je le prends bien volontiers. À non, tiens, il faut partir.
Après une erreur de parcours nous arrivons enfin à Bannalec. Bizarrement avec dix minutes de retard. Daniel nous a attendus. Le chantier peut reprendre.
9 h 30
Le « vrum » de la scie annonce la reprise.
Et c’est parti pour un deuxième round.
Je vais finaliser la bête. Je crois ne pas en avoir pour long. En fait, cela va me prendre trois heures.
Pendant que je fignole, Olivier tronçonne le deuxième bloc. Il réalise le linteau. Très vite nous prenons conscience que nous ne pourrons pas réaliser une deuxième caryatide. La scie se tait. Silence dans l’atelier.
12 h 30
Nous prenons le recule nécessaire pour englober d’un seul coup d’œil l’œuvre dans sa totalité. qNous allons remplacer la deuxième statue par une colonne. On gribouille sur le coin d’un carnet. Olivier trouve la solution. Nous allons réaliser une colonne fasciée à huit côtés. Moins de matière à enlever.
Nous nous auto-approuvons. Nous pouvons aller déjeuner. Direction la cantine du festival des passeurs de lumière ; les dolomites.
14 heures
Nous voilà de nouveaux à nos scies. Il faut que ça avance. Et tout avance vite et bien. La grande statue est finie dans l’après-midi. Nous pouvons nous concentrer sur le linteau et la colonne.
17 heures
Michel arrive avec le goûter. On avait soif. Petite pause d’un quart d’heure, et nous voilà de nouveau à l’œuvre. Nous pensons finir vers 20 h 30, 45 au plus tard. On prévient Daniel, histoire de fermer l’atelier après notre départ.
20 heures
Nous contemplons le travail et comme la veille, nous sommes fort satisfaits de notre ouvrage.
Il faut maintenant nettoyer l’entrepôt. En deux jours, nous avons rempli 7 containers de gravats, il ne reste qu’un gros coup de balai à passer. Ensuite nous hisserons le linteau sur ses deux socles, la statue et la colonne.
Grâce à l’ingéniosité d’Olivier, en 15 minutes la chose est faite. Il reste un bloc entier. Le bloc est glissé entre les deux socles. Nous posons le linteau sur ledit bloc. Nous montons dessus. Nous soulevons à nouveau le bloc, le calons avec un petit escabeau de bois. Nous le hissons à nouveau. Cette fois, il repose sur un grand escabeau d’alu. Et enfin à hauteur, nous faisons glisser la grande masse sur ses deux supports.
20 h 45
Nous avons fini et c’est beau.
Nous éteignons les néons, refermons les portes de l’atelier et dans un brouillard féerique rentrons à Locunolé.
Demain, j’appellerai Marcel pour lui laisser les dernières instructions. Il restera à l’équipe de bénévoles à évider les socles de la statue et de la colonne pour y fixer les lestes. Vernir, agrafer à l’aide de longues tiges métalliques, les trois blocs ; fixer deux ou trois anneaux sur la partie supérieure du linteau pour y fixer les filins. Quand tout ceci sera fait, le portique ainsi réalisé sera installé ce vendredi à Bannalec. Il marquera l’entrée de l’espace Ty Laouen.
Venez le découvrir et le toucher. Surtout le toucher… Je vous promets que vous serez surpris.
Remerciements
Merci à Michel qui m’a fait confiance pour ce projet. Merci aux services techniques de Bannalec, à Marcel et aux bénévoles des passeurs de Lumières et bien sûr à Olivier.
Retrouvez la bande annonce « sculpture » sur ma page Facebook : https://fr-fr.facebook.com/gwen.lerest
Pour en savoir plus sur Le festival des passeurs de lumières : http://www.festivallespasseursdelumiere.fr/
26 novembre 2014 at 11 h 36 min
Yeah ! Ça gère !